La loi Hadopi, contre le téléchargement illégal sur internet, a été votée en deux fois en 2009 (Hadopi 1, puis Hadopi 2). Mais ses décrets d’application tardent. Il était question que les
premiers e-mails d’avertissement partent en décembre 2009, puis janvier 2010, maintenant avril : menace sans cesse repoussée.
Pourtant, dimanche, en douce, un de ces décrets a été publié au Journal officiel. Il définit la nature et le temps de conservation des données personnelles qui seront recueillies sur les présumés
pirates, pris la main... dans le peer-to-peer. Une étape, parmi tant d’autres encore, vers l’application de cette loi jugée "inapplicable" par ses détracteurs.
Voici ce que contiendra le relevé sur le pirate présumé, reçu par l’Hadopi (Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet) :
la date et l’heure des faits
votre adresse IP (la société Trident Media Guard qui sera chargée de les identifier a été
choisie)
le nom de votre réseau de peer-to-peer ("pair à pair" dit la loi) par lequel vous
avez commis votre téléchargement délictueux
votre pseudo (devant le tribunal, pensez à faire bonne figure quand on vous appellera "putois farceur"
ou "lolo93")
des informations sur la (ou les) oeuvre(s) protégée(s) et piratée(s)
le nom du fichier tel que VOUS l’avez nommé (rebaptiser Avatar en "Photos de
mamie-été2009" ne fera pas illusion)
votre fournisseur d’accès à internet (FAI)
L’Hadopi pourra alors se tourner vers votre fournisseur pour en savoir plus. C’est à dire connaître vos vrais nom et prénom, vos adresses postale et électronique et vos coordonnées téléphoniques.
Ceci, afin de vous envoyer dans les deux mois un premier message d’avertissement.
Ce délai est important, car passés les deux mois, toutes ces données seront effacées. En revanche, si l’Hadopi vous adresse bien un avertissement par mail, elle pourra conserver ces données pendant 14 mois, et encore six de plus, si vous récidivez.
Problème, ce décret -comme cette loi- est "totalement à côté de la plaque", selon Jérémie Zimmermann de la Quadrature du net. Selon lui, la majorité des internautes soupçonnés de piratage ne recevra jamais ce premier e-mail d’avertissement. Car les FAI ne fourniront jamais que l’adresse par laquelle leurs clients se sont inscrits chez eux, adresses free ou orange, adresses souvent inutilisées, les internautes leur préférant des comptes nomades tels hotmail ou gmail. Résultat, pour Jérémie Zimmermann, quasi-personne ne recevra réellement son avertissement.
Avertissements qui risquent aussi d’être détournés. Gare aux futurs spams intitulés "avertissement Hadopi", prévient Jérémie Zimmermann. Dans ce cas, même les vrais messages, signés de la main de la haute autorité, risquent de se retrouver incidemment dans votre boîte anti-spam.
Enfin, et surtout, ce décret ne s’appliquera pas sans les suivants. Deux autres décrets restent à rédiger et paraître. Dont l’un essentiel, "clé de voûte de la loi", selon Jérémie Zimmermann, celui qui définira "les moyens de sécurisation de votre accès internet". Car, c’est la réelle quadrature de cette loi : on pourra prouver que quelqu’un a téléchargé illégalement une œuvre via votre accès internet, mais on ne pourra jamais prouver que c’est bien vous. La loi prévoit donc de sanctionner non pas le téléchargement délictueux proprement dit, mais le défaut de sécurisation de votre ordinateur...
Le décret ultime -"impossible à rédiger" selon Jérémie Zimmermann- consiste donc à définir quels seront ces moyens de sécurisation qu’il faudra à tout prix se procurer, afin
de s’exonérer d’avance de toute poursuite. Pas gagné, d’autant que la Quadrature du net est formelle : aussitôt listés, ces moyens seront contournés. Selon
Jérémie Zimmermann, il suffira le jour même de chercher le mode d’emploi sur le web...
Cécile Quéguiner France Info - Hier, 12:44